L’alcool diminue l’effet des médicaments antidépresseurs. Les patients ne sont pas toujours prévenus des risques. Pourtant, beaucoup d’alcooliques ont besoin d’être soignés pour une dépression. Le Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve nous explique pourquoi.
Tous les alcooliques sont-ils dépressifs ? Oui, selon moi et d’après mon expérience en tant que psychiatre. Mais de nombreux anciens alcooliques et d’autres médecins pensent que non. Personnellement, je relève quasi systématiquement des éléments dépressifs dans le cadre de maladies alcooliques.
Les patients me posent souvent cette question : « Docteur, est-ce que je bois parce que je suis dépressif ou est-ce que je suis dépressif parce que je bois ? » Pour moi, c’est une question-charnière. En réalité, les deux situations coexistent. Il faut savoir que 65 % des femmes en difficulté avec l’alcool et 44 % des hommes ont connu au moins une fois dans leur vie un épisode dépressif ou anxieux.
Le dialogue entre le médecin et son patient autour de la dépression est fondamental car il va permettre de traiter les deux problèmes en même temps : celui de l’alcool et celui de la dépression. L’erreur à ne pas commettre serait de négliger la consommation d’alcool pour ne traiter que la dépression. En effet, l’efficacité des médicaments antidépresseurs diminue de moitié lorsqu’ils sont pris avec de l’alcool et leur effet sédatif augmente. Parallèlement, l’alcool paraît être à court terme un antidépresseur, mais il est dépressogène à moyen et long terme. Donc, il aggrave l’état dépressif, perturbe le sommeil et exacerbe l’angoisse.
Malheureusement, les patients ne sont pas toujours prévenus des risques de la consommation associée d’antidépresseurs et d’alcool. Ainsi, l’absence d’amélioration peut les inciter à boire encore plus, puisqu’ils se sentent frustrés.
Il est donc important que le médecin fasse le diagnostic de dépression et qu’il la traite, tout en prévenant le patient des interactions possibles avec l’alcool.
Dans l’idéal, celui-ci devrait cesser de boire ou, au minimum, diminuer sa consommation. Pour l’aider, on peut jouer sur les leviers de motivation et, éventuellement, prescrire des anxiolytiques et des médicaments spécifiques à l’arrêt de l’alcool.
Cette démarche va lui permettre de sentir l’effet des antidépresseurs et commencer à lui redonner une humeur positive. Il sera donc moins triste et aura moins tendance à rechercher l’euphorie avec l’alcool.